Je crois que faire de la voile en mer, est la plus belle façon qui soit de se sentir libre. C'est n'avoir devant soi ni routes, ni croisements, queues ou feux rouges; La vie nous conditionne, somme toute, à des déplacements et nous sommes habitués à être toujours stressés par la circulation ou par les contraintes que les villes nous imposent, qu'on le veuille ou non, je crois que c'est une des sensations de liberté comparable à peu d'autres. Certes les marchands, les bédouins qui avec leurs chameaux et leurs caravanes traversent le désert pensent probablement la même chose, vu qu'ils ont devant les yeux l'horizon infini sans que leur regard ait à croiser quelque chose qui les empêche de regarder plusieurs centaines de mètres au delà; mais, moi, j'aime la mer et non le désert. Larguer les amarres, sortir du port, et avoir à choisir entre une possibilité presque infinie de routes ou de destinations, voilà selon moi une liberté et un privilège assez rare. Le voilier vous offre la possibilité de passer la nuit dans une rade ou une baie tranquille; vous pouvez aussi choisir de vous amarrer dans le port de l'une des nombreuses îles que l'on rencontre en navigant dans la Méditerranée.
On peut choisir de naviguer de nuit, après avoir tracé une route sûre et organisé des tours de garde de navigation, pour avoir peut-être la possibilité d'arriver à l'aube dans une autre île, la nuit n'est pas noire comme on pourrait le croire, il m'est arrivé de naviguer de nuit et réussir à voir tout près de mon voilier un dauphin très curieux, preuve évidente qu'eux non plus ne dorment pas toujours la nuit comme on le croit. On peut faire de la voile toute l'année; il m'est arrivé de me trouver en mer sous la neige pour déplacer le bateau d'un port à un autre; c'est une belle expérience mais je préfère le printemps et l'été, quand je peux être en bermuda et avec pas grand chose de plus, et sentir le vent et le soleil sur ma peau. Il est inexact de considérer la voile comme un sport exigeant, difficile et réservé seulement à des personnes physiquement bien entrainées , surtout s'il s'agit de bateau à voile de plaisance de ce type-ci. C'est pas pareil pour ce qui concerne les dériveurs pour régates, comme par exemple les 470 ou tout autre bateau pour régate de ce genre, qui en revanche exigent une préparation importante et beaucoup de réactivité, parce ce que, dans ce cas, la marge d'erreur est très mince.
Revenant à la navigation de plaisance de ce type-ci, j'ai vu des embarcations de moins de 10 mètres manœuvrées par des couples de hollandais ou d'anglais avec un ou eux enfants qui étaient entrés en Méditerranée en passant par le détroit de Gibraltar après quelques mois de navigation et qui ne semblaient pas du tout éprouvés par leur voyage, au contraire; les enfants dès que les parents jetaient l'ancre, étaient déjà à l'eau en train de frétiller comme des poissons et dans ces moments-là, je réfléchissais à la manière dont le milieu de vie forme un enfant, suivant les choix de vie qui ont été faits; j'imaginais le même couple un samedi quelconque, dans un centre commercial avec des parents qui ne cessent de répéter : ne cours pas, ne fais pas ceci, viens ici, ne va pas là, tu vas te faire mal, tu vas prendre froid et ainsi de suite. Il y a plusieurs années, un ami m'emmena en bateau avec sa famille et lui, avait trois enfants et la question qui revenait le plus souvent était : pourquoi est ce que nous ne restons pas vivre sur le bateau?
Mais tout n'est pas possible dans la vie. Je crois que sur un voilier, le fait d'avoir un bon équipage soudé et qui s'entend bien est une excellente chose, pas seulement parce que les espaces sont réduits et que les personnes souvent ne se connaissent pas entre elles, mais parce que la mer est selon moi une excellente école de vie, elle vous aide à comprendre vos limites, elle vous laisse bien un peu jouer avec elle, et comme un père avec son fils, elle vous avertit que vous êtes en train de franchir les limites, en même temps, qu'elle vous donne la possibilité de rattraper vos erreurs, à condition que ces erreurs soient instructives. Parler de la mer est un plaisir; mais chez moi et dans le bateau j'ai des dizaines de livres et je risquerais de remplir des pages et des pages, alors que la mer, on doit la vivre soi-même sur l'eau et sous l'eau, pour que ce que l'on ne voit pas, qui parfois effraie, puisse devenir un élément de votre vie et un espace de liberté.